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LA CIGUATERA A L'ILE DE LA REUNION : GENERALITES

extrait de : "Données actuelles des ichtyosarcotoxismes à la Réunion. Revue de 153 observations.", Thèse pour le Doctorat en Médecine, Université Paris XI, Faculté de Médecine Paris-Sud, 1995.

Dr Christine BONNAT

PLAN :

  1. définition

  2. historique

  3. situation géographique

  4. climatologie

  5. environnement récifo-lagonaire

  6. la pêche

  7. données épidémiologiques :

    1. dans les DOM-TOM

    2. dans l'Océan Indien

  8. phénomènes bioécologiques de la ciguatera

  9. dinoflagellés récifaux

  10. bibliographie

voir aussi :
toxicologie, clinique, traitement et prévention de la ciguatera
ichtyosarcotoxismes non-ciguatériques à l'Ile de la Réunion

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I - DEFINITION :

Le terme ichtyosarcotoxisme, du grec ichtyos (poisson), sarcos (chair) et toxicon (poison) désigne une forme d'intoxication consécutive à l'ingestion de chair de poisson.

Différents types d'intoxications se distinguent :

Le substantif ciguatera est utilisé pour décrire à la fois le syndrome clinique polymorphe résultant de l'intoxication et le phénomène biomarin qui en est à l'origine.

Les poissons vecteurs de la ciguatera sont porteurs de toxines acquises par leur alimentation et produites par plusieurs microorganismes récifaux benthiques, dont le dinoflagellé Gambierdiscus toxicus, considéré comme le maillon initial principal de la chaîne alimentaire ciguatérigène.

En apparence, rien ne permet de distinguer un poisson suspect : en effet son aspect, son goût comme son odeur ne sont pas modifiés. Les traitements thermiques (cuisson, congélation) sont  sans effet sur la toxicité.

Connue depuis plusieurs siècles, cette forme d'ichtyosarcotoxisme spécifique des régions tropicales, de par son impact sur la santé des populations locales, demeure non négligeable et représente plusieurs milliers de cas par an dans les DOM-TOM.

L'économie des pêches tropicales, en particulier celle du poisson de fond à haute valeur commerciale est hypothéquée sérieusement par le risque ciguatérique. L'accroissement des communications aériennes et du commerce des poissons frais ou congelés rendent cette maladie de plus en plus perceptible aux consommateurs des régions tempérées.

Diverses réglementations ont été mises en place à la Réunion, à Tahiti, aux Antilles françaises. Elles visent à protéger le consommateur en interdisant ou en limitant la commercialisation des espèces à risque selon le poids et/ou l'origine des spécimens.

Ces réglementations sont rarement en accord avec la réalité scientifique du phénomène, compte tenu de la variabilité avérée de la ciguatera dans le temps et dans l'espace.

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II - QUELQUES REPERES HISTORIQUES :

L'existence de manifestations d'ichtyosarcotoxisme de type ciguatérique est connue depuis longtemps pour sévir dans les mers chaudes.

Au VIIème siècle, en Chine le médecin philosophe CHEN TSANG CHI rapporte un cas d'empoisonnement mortel par une carangue à queue jaune.

Vers 1520, PEDRO MARTYRE D'ANGHERA, chroniqueur à la cour d'Espagne, rapporte des cas de poissons  toxiques aux Antilles (relatés par VASCO DE GAMA, MAGELLAN, C. COLOMB).

En 1601, HARMENSEN décrit le même phénomène à l'Ile Maurice et en 1609, DE QUIROS fait des observations analogues aux Nouvelles Hébrides.

En 1675, le philosophe anglais JOHN LOCKE donne la première description clinique de ce type d'intoxication aux Iles Bahamas. Il écrit "Certains poissons là-bas sont empoisonnés entraînant de sévères douleurs dans les articulations de ceux qui les mangent et aussi des démangeaisons... Ces troubles disparaissent en deux ou trois jours... Dans un lot de poissons de même espèce, taille, forme, et goût, seuls certains spécimens renferment le poison, les autres n'entraînent aucun préjudice chez l'homme... Nous n'avons jamais entendu dire que la maladie fût mortelle, mais pour les chats et les chiens qui consomment ces poissons, c'est souvent le dernier repas... Chez des gens qui ont eu une fois cette maladie, une nouvelle ingestion de poisson, même sain, peut raviver le ferment toxique dans l'organisme et faire réapparaître les douleurs..."

En 1748 à l'Ile Rodrigue, une importante intoxication des équipages de la flotte de l'amiral E.BOSCAWEN provoque la mort de 1500 hommes probablement déjà affaiblis par les conditions de vie à bord ( HALSTEAD 1973 ).

Le capitaine COOK et son naturaliste FORSTER, en 1774, sont victimes de l'intoxication dans l'Océan Pacifique et en décrivent les signes.

En 1866, le médecin cubain FELIPE POEY crée le terme de "ciguatera" d'après les intoxications provoquées par l'ingestion d'un petit Trochidae (gastéropode marin), LIVONA PICA L., dont le nom vernaculaire était " CIGUA" à Cuba. (39)

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III  - SITUATION GEOGRAPHIQUE :

- Les îles du sud-ouest de l'océan Indien :

 

Les îles du sud-ouest de l'océan Indien s'étendent sur 7 millions de km2.

Madagascar a un poids géographique, historique et socio-économique sur cet ensemble, comparativement aux autres îles de taille plus modeste telle que La Réunion, Maurice, Les Comores ou Seychelles.

Mais ces petites entités géographiques ont un poids économique non négligeable que leur apporte leur domaine maritime, en effet, les Seychelles par exemple jouissent d'une zone économique estimée à 1 200 000 km2, La Réunion (y compris les autres territoires français de la zone) bénéficiant de 2 700 000 km2. (19)

 - L'Ile de la Réunion :

Située dans l'hémisphère Sud, entre l'équateur et le tropique du capricorne, l'île de la Réunion fait partie, avec les îles Maurice et Rodrigues, de l'archipel des Mascareignes.

Elle se trouve dans la partie Sud-Ouest de l'océan Indien par 55°29' de longitude Est et 21°5' de latitude Sud.

Orientée dans la direction Nord-Ouest / Sud-Est, sur une longueur maximale de 70 km, elle occupe une superficie de 2 512 km2.

La longueur des côtes, relativement peu découpées, est d'environ 207 km et les plages ne s'étendent que sur environ 40 km.

 

La Réunion est une île volcanique et montagneuse. Elle est constituée de deux massifs accolés :

Les rivières, aux débits maxima importants, ont largement entaillé les pentes en creusant de profonds sillons perpendiculaires à la côte. Parmi les 3 principales ( Rivière des Galets, Bras de Cilaos, Rivière du Mât), la plus longue est la Rivière du Mât (34,7 km), exutoire du cirque de Salazie. (19)

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IV - CLIMATOLOGIE  :

L'île de la Réunion demeure durant la plus grande partie de l'année sous l'influence des vents alizés dirigés par l'anticyclone semi-permanent de l'Océan Indien.

L'intensité et les caractéristiques de ces alizés du Sud-Est dominants varient suivant les saisons.

Pendant l'hiver austral (mai à novembre), cet anticyclone est le plus souvent centré au voisinage Sud des  Mascareignes et son action peut s'étendre jusqu'à l'équateur.

Le courant d'alizé, généralement stable, entraîne l'établissement d'un temps relativement frais et sec en de nombreux endroits, malgré quelques pluies liées aux passages de systèmes frontaux.

Pendant l'été austral (décembre à avril), l'anticyclone s'éloigne vers le Sud, et les Mascareignes ne sont plus intéressées que par sa bordure Nord.

La zone de basses pressions intertropicales, suivant l'équateur thermique, se déplace vers le Sud et vient influencer directement ces régions.

Les alizés faiblissent, un courant de Nord-Est prédomine le plus souvent et un temps chaud, humide et pluvieux s'établit durant la saison.

C'est pendant l'été austral que se manifestent les cyclones tropicaux. (19)

La température moyenne de l'eau oscille entre  21° en hiver et 27° en été.

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V - ENVIRONNEMENT RECIFO-LAGONAIRE :

Le relief montagneux de la Réunion, se prolonge sous la mer par un plateau continental étroit, atteignant au plus 7 km de large. C'est sur cette partie la moins profonde que vont s'installer les récifs de coraux.

Du fait des conditions géographiques et météorologiques particulières les formations récifales n'ont pu s'établir que sur la côte occidentale de l'île et encore de façon discontinue ne dépassant pas 25 km de longueur. Elles sont situées entre Grande-Anse au Sud et La Possession au Nord-Ouest.

Ces rares récifs coralliens sont de type frangeant accolés à la côte. Le lagon est étroit, 200 à 300 mètres et de faible profondeur, 1 à 1,5 mètres en moyenne, atteignant 2 à 3 mètres près des passes.

Edification et structure du récif.

Les récifs coralliens sont constitués par des êtres vivants : les animaux à squelette calcaire, les coraux hermatypiques, font partie du groupe des Scléractiniaires ou Madréporaires.

Ils ont la particularité de posséder dans leurs tissus des algues microscopiques avec lesquelles ils vivent en symbiose.

Le squelette porte de nombreux orifices segmentés de lamelles, les calices, qui sont les loges des individus de la colonie ou polypes. Ils se nourrissent de plancton qu'ils capturent le plus souvent la nuit à l'aide de leurs tentacules. Ils profitent également d'éléments nutritifs élaborés par photosynthèse par les algues qui leur sont associées.

Pour se développer les coraux constructeurs ont besoin de lumière, d'une eau chaude et oxygénée. Ces conditions sont réunies dans les eaux réunionnaises où la température moyenne de l'eau est de 21° en hiver et de 27° en saison chaude.

Croissance des coraux.

Elle est variable suivant les espèces.

La reproduction peut se faire soit par bourgeonnement, reproduction asexuée, soit par production de gamètes, reproduction sexuée. Les gamètes mâles et femelles fusionnent et donnent de petites larves nageantes qui peuvent être entraînées par le courant et disséminer l'espèce sur de grandes distances.

D'autres organismes contribuent à la formation des récifs, ce sont des algues calcaires, les Alcyonaires, les vers tubicoles les mollusques.

Le récif croit toujours vers la haute mer. La pente externe est la plus active et la plus constructive du récif.

Destruction du récif.

Le récif est soumis à divers facteurs de destruction :

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VI - LA PECHE :

-Production :

La pêche maritime réunionnaise recouvre plusieurs formes d'activités bien différentes.

La petite pêche fait l'objet d'une action de revalorisation de la profession qui a permis d'enrayer la stagnation observée dans les deux premiers tiers de la décennie 80.

L'année 1990 enregistre pleinement l'effet bénéfique des dispositifs de concentration de poisson (DCP) qui sont des épaves artificielles en pleine eau, ancrées sur le fond, munies d'une structure attractive, destinée à attirer et concentrer les poissons pélagiques. Les mécanismes d'attraction et de concentration du poisson sont assez mal connus. Ils font intervenir la recherche d'abri, la curiosité, les effets de courant et la présence de nourriture. On dénombre actuellement une trentaine de DCP autour de l'île.

Depuis 1990 on enregistre plus d'inscrits maritimes, plus de barques (648 de moins de 6 m) et de bateaux (168 de 6 à 11 m), et plus de prises. Pour 1993, les statistiques des affaires maritimes font état de 1400 tonnes de poissons (en  majorité pélagiques) à mettre au crédit des pêches côtières et du large.

La pêche au large jusqu'alors pratiquée par les navires Vétyver et l'Aldebaran s'est enrichie en 1992 de 5 nouvelles unités gérées par l'armement Viking Ocean dont le siège se trouve au Havre. En 1992, le Viking Ocean a pêché 60 tonnes, en 1993 370 tonnes. Cet armement exporte normalement la totalité de sa production. Un accord de pêche ratifié début 1991 autorise l'accès aux eaux mauriciennes à Vétyver et à l'Aldebaran pour le moment.

 La grande pêche est pratiquée par deux bateaux, le Marie Christine et l' Austral.

Le Marie Christine, navire de 57 mètres, porteur d'une quinzaine de canots de pêche à la ligne à main est basé depuis 1991 à Madagascar, notamment sur les bancs de Saya de Malha.

L'Austral, navire de 76,60 mètres effectue la grande pêche australe pour le compte d'un GIE regroupant la CIAP, la SAPMER et l'Armement des Mascareignes. Autour des îles St-Paul et Nouvelle-Amsterdam, pendant l'été austral, la langouste est pêchée aux casiers par cinq annexes du bateau mère, qui la congèle et la conditionne. Pendant le reste de l'année l'Austral exploite au chalut du gunnari et de la légine autour des Kerguelen.

Un nouveau navire, le Kerguelen de Trémarec de la COMOTA, filiale armement du groupe de distribution métropolitain Intermarché a effectué sa première marée fin 1993. ( 18, 19).

-Circuits de distributions et consommation :

Pour 110 charcuteries et 79 boucheries on compte 15 poissonneries artisanales.

En effet le consommateur réunionnais absorbe 75 kg de viande et d'abats /hbt /an contre 15 kg de produits de mer /hbt /an.

En métropole on note une consommation de 15 kg de produits de mer /hbt /an dans les régions côtières et de 6-8 kg dans les régions centrales.

Les créoles préfèrent toujours manger du poisson de fond de préférence frais : rouges, capitaines, vivaneaux et autres cabots de fond; mais aussi depuis peu du poisson de métropole (sole).

Les métropolitains affectionnent davantage les poissons pélagiques (thon, marlin, espadon, ...) et les poissons de métropole.

Le poisson est distribué par les poissonneries artisanales, les grandes surfaces, mais aussi par les petits revendeurs des bords de route.

Compte tenu des ressources insuffisantes autour de l'île, les poissonneries artisanales s'approvisionnent le plus souvent dans les îles voisines (Madagascar, Maurice, Les Seychelles, ...). Il est difficile d'avoir un approvisionnement régulier en poisson réunionnais, surtout l'hiver.

Les grandes surfaces apparues sur l'île depuis les années 80, possèdent toutes leurs bacs de poissons, de crustacés surgelés et de plus en plus un rayon de poissons frais. Les grandes surfaces s'approvisionnent sur le marché international en frais comme en surgelés à des prix beaucoup plus compétitifs que ceux de la production locale.

Les vendeurs des bords de route sont partout, sur le bord des routes côtières de l'île, aux carrefours, sur les places et les parkings, à toutes heures du jour à la disposition du client automobiliste. Au retour des barques, ils achètent aux pêcheurs réunionnais leur production du jour. Les plus équipés disposent d'un véritable étal : un auvent pour abriter du soleil (mais pas des mouches), quelques planches sur des tréteaux, un ou deux seaux d'eau. Mais la plupart surtout les plus jeunes, n'ont que leurs mains comme tout éventaire.

Voilà par quel circuit une partie des poissons pêchés par les Réunionnais termine dans les assiettes des consommateurs. Pas de contrôle, pas de norme, pas de taxe, et du poisson toujours (?) frais du jour. (18, 19)

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VII - DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES :

A - dans les DOM-TOM :

Plusieurs enquêtes ont été entreprises dans les DOM-TOM afin de préciser l'incidence de cette intoxication et les principales espèces de poissons à potentialité ciguatérique.

Entre 1960 et 1990, plus de 12 000 cas de ciguatera ont été enregistrés pour la seule île de Tahiti.(2, 6, 35)

Pour l'ensemble de la Polynésie française, l'incidence annuelle serait de 800 à 1000 cas par an. (35)

A la Réunion, 950 cas ont été répertoriés dans la période 1967 à 1989, (incidence annuelle actuelle de 50 à 100 cas par an). (32,35)

A Saint Barthélémy (Antilles), l'incidence fluctue entre 700 et 3 000 / 100 000 hab/ an, ce qui constituerait la valeur la plus élevée mentionnée pour les DOM-TOM. (7)

En Nouvelle Calédonie, l'incidence annuelle est estimée entre 120 et 150 cas par an.

Dans les autres territoires, les données demeurent fragmentaires. (35)

Ces données doivent être reliées à l'importance relative qu'occupe le poisson dans l'alimentation humaine. Certaines îles ou atolls ont en effet une alimentation monotone à base de poisson, ce qui accroît considérablement le risque individuel d'intoxication ciguatérique. (35)

Un caractère saisonnier des empoisonnements a été constaté à Tahiti avec un accroissement significatif en août / septembre. Il n'a été retrouvé ni à la Réunion ni aux Antilles. (6,35)

B - dans l'Océan Indien :

Actuellement l' incidence globale de la maladie est inconnue.

Seules la Réunion et Mayotte ont fait l'objet d'études depuis plusieurs années.

A noter la présence de foyers stables au niveau des bancs coralliens exploités par la Réunion et Maurice : les bancs Soudan, Saint Brandon, Nazareth, Saya de Malha... ( cf figure 5)

Maurice et Rodrigue.

L'habitude locale des pêcheurs est de rejeter 40 % de leur pêche.

A Maurice une réglementation existe basée sur l'interdiction de certaines espèces : (15)

          "Ordonnance concernant la pêche de 1948. Amendement de 1961 émis par le gouverneur à la demande du Ministère sur l'article 34 des ordonnances de pêche de 1948.

1- Ces réglementations doivent être citées comme les amendements de 1961 et doivent être lues comme une seule réglementation avec celle de 1948.

2- La réglementation qui suit doit être insérée immédiatement après la réglementation 24 A de la réglementation principale 24 B.
Le débarquement et la vente des espèces de poissons spécifiés dans l'annexe D de cette réglementation sont interdits :
Sous la réserve que cette interdiction ne doit pas être appliquée au "Rouge grand queue", au "Sinsillac", au "Varavara", à la "Vieille Babone", et à la "Vieille Plate", si ces poissons sont pêchés en dehors des zones territoriales Mauriciennes et s'ils sont correctement conservés au froid, ou s'il s'agit de spécimens d'intérêt scientifique.
Il sera légal pour les douaniers, les pêcheries, la police, les agents forestiers de saisir et faire détruire les poissons qui auront été débarqués en violation avec le paragraphe précédent. Le Directeur devra être informé de cette saisie.

3- Annexe D 

  1. Rouge grand queue

  2. Sinsillac

  3. Vieille Loutre

  4. Varavara

  5. Giblot

  6. Crabe noir

  7. Cheval de bois

  8. Chemise

  9. Large Tartare

  10. Bambara

  11. crabe à points rouge

  12. Bénitiers

  13. Oursins

  14. Tortue

  15. Laffe

  16. Boule Tangue

  17. Poisson Pilote

  18. Vieille Babone

  19. Vieille Plate

 Approuvé par le gouverneur le 20 Septembre 1961."

 

Mayotte et Comores.

A Mayotte, une surveillance biologique fut mise en place en novembre 1984 par le Dr Bagnis. Actuellement elle est poursuivie dans le cadre d'une collaboration entre les services de Mayotte (DDASS, Service de pêche) et l'ARVAM.

A ce jour, aucun cas de ciguatera n'a été déclaré.

Pourtant la présence de populations de Gambierdiscus toxicus (Gt) a été mise en évidence et étudiée dans les récifs coralliens de l'île de Mayotte entre 1985 et 1994. L'évolution des populations de Gt montre un accroissement exponentiel des densités moyennes de 1984 à 1988. Ce fait parait corrélé avec certains paramètres climatiques (insolation, pluies...) et surtout d'origines anthropiques ( construction du réseaux routiers de 1980 à 1988 ).

Après un pic marqué les populations paraissent s'être stabilisées à un niveau plus élevé que celui du début du suivi.

Le processus d'intoxication ( bioaccumulation) des poissons herbivores et carnivores est lent et pourrait être compensé par une détoxification naturellement lente elle aussi.

(4, 33)

 

Madagascar.

Aucune étude n'a été faite.

 Description d'un cas grave d'intoxication collective liée à la consommation d'un requin pêché au large de Manakara ( sud-est de Madagascar) (36) :

VIII - PHENOMENES BIOECOLOGIQUES DE LA CIGUATERA :

Divers travaux ont tenté de préciser le déterminisme du phénomène biomarin à l'origine de la toxicité variable des poissons de récif.

La chaîne alimentaire ciguatérigène est récifale et majoritairement pisciaire.(38)

La dynamique du phénomène nécessite la succession d'une forte mortalité corallienne suivie d'un recouvrement des surfaces nécrosées par des gazons algaux porteurs d'un complexe de dinoflagellés épiphytes.

Ces micro-algues toxiques sont ingérées par les poissons herbivores puis les toxines remontent par bioaccumulation et bioamplification le long de la chaîne trophique jusqu'au prédateur final : l'homme.

Les poissons vecteurs de la ciguatera ne paraissent pas affectés par les neurotoxines qu'ils transportent. Le rôle des invertébrés benthiques (crustacés, mollusques) dans la transmission des toxines reste fort mal connu mais semble probable.

La ciguatera présente classiquement deux principales modalités évolutives. La première de type endémo-épidémique est la plus fréquente et correspond à des densités stables mais faibles de dinoflagellés toxino-producteurs. Dans ce contexte, la ciguatera est rendue perceptible à l'homme lors d'épisodes épidémiques (flambées) qui résultent d'atteintes environnementales d'origine naturelle (cyclones, fortes pluies...) ou humaine (pollutions, épaves...). Dans le mode paroxysmique, de très nombreux maillons sont contaminés (herbivores et carnivores). Ce mode résulte d'une colonisation massive et durable du biotope corallien. La durée du phénomène peut s'étendre sur 15 à 20 ans. (35)

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IX - DINOFLAGELLES RECIFAUX :

Actuellement, dans l'océan indien on dénombre 14 espèces de dinoflagellés récifaux, parmi lesquels les producteurs de phytotoxines dont Gambierdiscus toxicus (Gt).

 A- Gambierdiscus toxicus.

 L'agent étiologique de la Ciguatera n'a été découvert que récemment, par  BAGNIS en 1977, aux Iles Gambier, où sévit une endémicité ciguatérique importante. Il s'agit d'un dinoflagellé, c'est à dire un unicellulaire biflagellé se situant à la limite des règnes Végétal et Animal.

Initialement rattaché au genre Diplopsalis, la détermination par ADACHI et FUKUYO (1) de sa formule thécale, a conduit à l'établissement d'un nouveau genre :

Il présente une forme générale lenticulaire. Les dimensions sont les suivantes : diamètre transversal moyen 80 à 90 µm ; diamètre vertical moyen 40 à 45 µm. De forme subcirculaire, il est caractérisé par une encoche ventrale (sulcus), où s'insèrent deux flagelles :

La coloration globale de la cellule est variable, du vert clair au brun.

La thèque est une enveloppe cellulosique composée de deux parties : l'épithèque et l'hypothèque. Elle est constituée de 33 plaques comportant des pores, et séparées par des sutures sinueuses.

Figure 7 : Gambierdiscus toxicus (grossissements : x 2000).(9)

Inféodé aux écosystèmes coralliens, G. toxicus présente en milieu naturel une nature épiphytique. Les cellules sont observées soit directement fixées aux thalles des algues macrophytes, soit au sein des gazons algaux mixtes de recouvrement des substrats coralliens morts. Bien que possédant des flagelles, le dinoflagellé est peu mobile et demeure pratiquement absent en eau libre. Il peut cependant être en suspension à proximité du support, grâce à un fin filament muqueux qui le relie à la dépression sulcale. (32)

La reproduction se fait sur le mode isogame par bipartition oblique, et la fréquence des mitoses varie de 2 à 5 jours selon les conditions du milieu.

La culture en laboratoire de G. toxicus a fait l'objet de nombreuses études afin de déterminer ses conditions optimales de croissance et de production toxinique.

Sa nutrition est fortement conditionnée par les facteurs environnementaux.

Très sensible aux modifications de luminosité, de salinité et de température, son développement est optimal dans les conditions suivantes (BAGNIS 1985) :

Ce dernier élément permet d'expliquer la quasi absence de G. toxicus dans les lagons de faible profondeur, où la luminosité direct et réfléchie sur le fond sableux empêche son développement.

 Les études écologiques menées dans les différents DOM-TOM montrent qu'aux îles Gambier (Polynésie), des densités en G. toxicus de 40 000 (exprimées en nombre de cellule par gramme d'algues support) ont été observées au plus fort de la flambée. Dans les autres îles, les valeurs sont beaucoup plus faibles : 0 à 580 pour la Réunion; 1 à 250 pour Tahiti ; 0 à 780 en Nouvelle Calédonie ; 5 à 65 pour Saint Barthélémy aux Antilles. (8,35)

A la Réunion les dernières études de peuplement de Gt. (JP. QUOD, 1994) montre la présence de Gt. tout autour de l'île.(cf. figure 8).

B- Les autres dinoflagellés toxino-producteurs.

La participation d'autres dinoflagellés à l'élaboration du complexe toxinique de la ciguatera est fortement évoquée.

Leur présence au sein des recouvrements épibenthiques dans les récifs coralliens, en association avec G. toxicus, et leur culture en laboratoire a permis de mettre en évidence une douzaine d'espèces productrices de toxines.

Les plus couramment citées appartiennent aux genres Prorocentrum, Ostreopsis et Amphidinium. Ces phycotoxines sont généralement douées d'activités neurotoxiques et / ou hémolytiques. (35)

A la Réunion, on note G. toxicus, P. lima, P. concavum et O. lenticularis comme ichtyotoxiques (cf. planche n° 2).

toxicologie, clinique, traitement et prévention de la ciguatera
ichtyosarcotoxismes non-ciguatériques à l'Ile de la Réunion
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X - BIBLIOGRAPHIE :

1- ADACHI R., FUKUYO Y. The thecal structure of a marine toxic dinoflagellate Gambierdiscus toxicus gen. and sp. nov. collected in a ciguateric area : Bull. Jap. Soc. Sci. Fish.1979; 45 : 67-71.
2- BAGNIS R.
L'ichtyosarcotoxisme dans l'Océan Indien : rapport de mission DGRST 1980; 154.
3- BAGNIS R.
Ichtyosarcotoxisme de type ciguatera : phénomène complexe de biologie marine. Oceanologica Acta 1981; 4 : 375-386.
4- BAGNIS R.
Le risque ciguatérique à Mayotte : rapport de mission. Rapport ITRMLM, 396/IRM/OCE 1985.
5- BAGNIS R., INOUE A., PASCAL H.
Dynamique du dinoflagellé Gambierdiscus toxicus aux îles Gambier (Polynésie Française). Proceedings ISRS Congress, Nouméa 1990; 35-40.
6- BAGNIS R., SPIEGEL A., N'GUYEN L., PLICHART R.
Trente ans de surveillance sanitaire et épidémiologique de la ciguatera à Tahiti. Troisième symposium sur les substances naturelles d'intérêt biologique de la région Pacifique-Asie,1992; 335-338.
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date de mise en ligne : 25/9/2002


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