LES OTITES EXTERNES DU PLONGEUR
Dr J.F. LEPÈRE
Table Ronde de Médecine de Plongée de
l'Océan Indien
Île Maurice - 10 et 11 octobre 2001
L’otite externe est une infection du
revêtement cutané du conduit auditif externe. Elle peut être localisée
(furoncle) ou toucher tout le conduit (otite externe généralisée ou diffuse).
L’otite externe est une pathologie infectieuse caractéristique des adeptes des
sports subaquatiques. En anglais on la nomme souvent « swimmer’s ear ». L’otite
externe des plongeurs ne diffère de celle des non-plongeurs que par une
fréquence plus élevée et des facteurs favorisants spécifiques aux activités
subaquatiques.
ÉTIOLOGIE :
L’otite externe diffuse peut être
causée par un bacille Gram négatif (Escherichia coli, Proteus
vulgaris, Pseudomonas aeruginosa), par Staphylococcus aureus
ou plus rarement par un champignon (Candida albicans, Aspergillus
niger).
Les furoncles sont habituellement dus à Staphylococcus aureus.
Ces agents infectieux ne proviennent pas de l'eau mais sont présents dans la
flore habituelle du canal auditif externe. L'eau stagnant dans le conduit
auditif pendant et après l'immersion provoque une macération et entraîne un
déséquilibre de la flore saprophyte de la peau. Les germes de cette flore
deviennent alors pathogènes sous l'effet de divers facteurs favorisants.
FACTEURS FAVORISANTS :
Les facteurs favorisants la macération de l'eau dans le conduit auditif et la prolifération de germes pathogènes sont de 2 ordres: ceux liés au milieu extérieur et ceux liés au conduit auditif.
Facteurs favorisants liés au milieu extérieur :
Durée et fréquence des séjours dans l’eau, d’autant plus que l’eau est chaude, la chaleur favorisant le développement des germes ;
Action irritante de certains micro-organismes aquatiques et de particules coralliennes;
Facteurs favorisants liés au conduit auditif :
Facteurs favorisants la macération de l'eau :
Conduit auditif externe étroit ;
Présence de débris de cérumen (et à fortiori de bouchon) dans le conduit auditif externe ;
Présence d’exostoses (ou hyperostoses): excroissances osseuses bénignes du conduit, rétrécissant celui-ci en cul-de-sac. L'irritation thermique du froid et l'irritation mécanique de l'eau favorisent leur apparition. Elles sont particulièrement fréquentes chez les plongeurs professionnels en eau froide et les surfeurs ;
Facteurs favorisants la colonisation de l'épithélium par les agents pathogènes :
Diminution du pouvoir protecteur du film lipidique de surface du conduit auditif par un nettoyage répété (cotons-tiges). Ce film lipidique possède une activité bactériostatique et fongostatique ;
Absence de cérumen: le pH du cérumen est légèrement acide, ce qui lui donnerait une activité antibactérienne (toujours les cotons-tiges !) ;
Irritation préexistante de l'épithélium: eczéma et autres affections dermatologiques (psoriasis, lichen dermatite séborrhéique), lésions de grattage, prothèse auditive mal adaptée ou allergisante, utilisation fréquente de bouchons d'oreille (de type boules Quiès).
SYMPTOMATOLOGIE :
L’otite externe diffuse entraîne
prurit, douleur lancinante et otorrhée d’odeur fétide. Lorsque le conduit est
tuméfié ou contient de nombreux débris purulents, on constate une baisse de
l’audition (surdité de transmission).
La douleur ressentie à la traction du pavillon de l’oreille et à la pression au
niveau du tragus permet de distinguer otite externe et otite moyenne.
L’examen à l’otoscope est difficile car douloureux. Le conduit auditif est
souvent rétréci, parfois sténosé.
En otoscopie, la peau du conduit auditif externe apparaît rouge, tuméfiée et
souillée de débris humides et purulents. La membrane tympanique est généralement
normale, parfois un peu rouge.
La présence de filaments blanchâtres dans le conduit auditif évoque une otite
externe fongique à Candida albicans, des filaments charbonneux évoquent
une otomycose à Aspergillus niger.
Les furoncles se traduisent par une douleur violente et, lors de leur drainage
par une brève otorrhée sanguinolente et purulente.
COMPLICATIONS :
§ L'otite externe sévère avec obstruction du conduit auditif et envahissement des tissus mous, particulièrement le long du plancher du conduit.
§ La cellulite de l'oreille externe et de la face.
§ L'otite externe maligne: ostéite de la base du crâne à point de départ otitique, à Pseudomonas aeruginosa. L'otite externe maligne doit être suspectée devant toute otite externe résistant aux traitements usuels chez le diabétique, l'immunodéprimé et lors de la prise de stéroïdes par voie générale.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
Chez le plongeur, face à une otalgie
associée ou non à une baisse de l'audition on éliminera un barotraumatisme de
l'oreille moyenne. Un barotraumatisme du tympan avec rupture de celui-ci peut
s'accompagner d'une otorrhée.
Une baisse de l'audition peut également révéler un barotraumatisme ou un
accident de décompression de l'oreille interne. Elle s'accompagne alors le plus
souvent de vertiges, bourdonnements ou sifflements.
TRAITEMENT CURATIF :
Le traitement de l'otite externe nécessite le plus souvent l'aide du médecin essentiellement pour vérifier l'intégrité du tympan.
Il associe :
un nettoyage du conduit auditif au sérum physiologique et, si nécessaire, une aspiration des débris et de l'exsudat.
des instillations biquotidiennes d'une solution antibio-corticoïde (Panotile®, Colicort®, Polydexa®,…) pendant 7 à 10 jours.
éventuellement un méchage du conduit auditif ou la pose d'un pansement expansible en mousse si celui-ci est rétréci afin de faciliter la pénétration des gouttes auriculaires et d'éviter une sténose du conduit. Cette mèche est changée quotidiennement.
une suspension des plongées et des baignades jusqu'à guérison complète. Un délai de deux semaines est souvent nécessaire.
Un analgésique est souvent nécessaire pour calmer l'otalgie.
En cas de perforation tympanique, les antibiotiques utilisables en instillations auriculaires sont la rifamycine (Otofa®) et la lincomycine (Lincocine®).
Le traitement de l'otite externe mycosique comportera un topique antifongique imidazolé tel que Pévaryl® 1 % lait ou lotion dermique, Trimysten® 1 % crème ou Kétoderm® 2 % crème pendant 2 à 3 semaines.
Les furoncles doivent se drainer spontanément, leur incision pouvant entraîner la diffusion de l’infection au périchondre du pavillon. Les antibiotiques locaux sont inefficaces. En cas de nécessité l’antibiothérapie sera administrée par voie orale (Oxacilline, Amoxicilline + acide clavulanique, Pristinamycine).
TRAITEMENT PRÉVENTIF :
§ Avant la saison de plongée :
L'examen otoscopique par un médecin permet de repérer et de traiter les facteurs favorisants: inflammation ou dermatose du conduit auditif, débris ou bouchon de cérumen, exostoses …
§ Après l'immersion :
Pour les plongeurs sans
prédisposition particulière aux otites externes un simple rinçage des conduits
auditifs à l'eau douce et propre suffit.
Pour les plongeurs sujets aux otites externes fréquentes ce rinçage,
éventuellement effectué à l'eau minérale, sera suivi d'un séchage soigneux au
sèche-cheveux.
L'usage du coton-tige est formellement proscrit.
L'instillation auriculaire de préparations magistrales a un effet bénéfique dans la prévention des otites externes du plongeur. Ces préparations comportent, associés ou non, 2 composants aux modes d'actions différents:
un composant asséchant qui réduit la macération: alcool, acétate d'aluminium, acétate de sodium, silicone hydrofuge.
un composant acide qui limite la prolifération des germes pathogènes: acide borique, acide acétique.
Pour être efficaces, ces
instillations doivent avoir une durée minimale de contact de 5 minutes.
Ces produits ne seront utilisés qu'après vérification de l'intégrité du tympan.
Les préparations alcooliques sont déconseillées en cas d'irritation du conduit
auditif.
Les préparations les plus employées sont :
l'alcool à 40° ou 60° boriqué à saturation ;
l'eau oxygénée boratée (eau oxygénée 10 volumes : 100 g, acide borique : 2,5 g, borate de soude : 0,5 g) ;
une préparation composée d'acétate d'aluminium 11 g, d'acide acétique 0,2 g et d'eau 100 g ;
une solution de vinaigre d'alcool blanc diluée 4 à 5 fois avec de l'eau (le vinaigre contient 4 à 6 % d'acide acétique).
Il n'y a pas de preuve scientifique de l'efficacité des préparations antiseptiques ou antibiotiques dans la prévention des otites externes.
§ Avant l'immersion :
Il est préférable de ne rien
introduire dans le conduit auditif afin de respecter le film lipidique
protecteur et de ne pas créer d'irritation du conduit.
Certains auteurs préconisent toutefois l'instillation préventive d'une solution
huileuse (huile d'amande douce, huile d'olive,…).
Bibliographie
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Thalman ED. Can you prevent otitis externa, or swimmer's ear ? Alert diver jan/feb 1999: 39-40.
visa comité lecture :29/11/2004
mise
en ligne :
30/11/2004
ASSOCIATION RÉUNIONNAISE DE MÉDECINE SUBAQUATIQUE ET HYPERBARE
Siège social : Groupe Hospitalier Sud Réunion, BP 350, 97448 Saint-Pierre
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